Écriture

Un antihéros irrésistible pour votre roman

18/10/2021

Les antihéros ont la côte dans les romans comme sur les écrans !

Elle est bien loin, la période où le personnage principal d’une histoire se devait d’être fort, intègre et courageux. Cette image d’Épinal aurait plutôt tendance à endormir les lecteurs d’aujourd’hui, qui lui préfèrent la figure ambivalente du antihéros.

Ce type de personnage n’en reste pas moins complexe à mettre en place dans un roman. On va donc se pencher sur ce qui fait un bon antihéros pour vous aider à en créer un, si l’aventure vous tente ✍️

Avant tout, posons-nous une question toute simple mais essentielle :

Qu’est-ce qu’un antihéros ?

Commençons par éviter une confusion courante : non, un antihéros n’a pas juste quelques défauts (grincheux, colérique, tourmenté …). Ça, c’est un personnage normal ! Pour être crédibles, tous les personnages de romans doivent avoir des points forts et des faiblesses.

En revanche, on parle de antihéros quand le personnage principal d’une histoire s’oppose à notre vision traditionnelle du héros, et de manière plutôt tranchée. Le plus souvent, il provoque en nous un sentiment négatif (agacement, dégoût, frustration) contrebalancé par quelque chose de positif (que ce soit de l’attachement ou de la fascination).

La cohabitation entre ces deux sentiments est le signe d’un antihéros intéressant !

Les deux types de antihéros de roman

Le personnage ordinaire

Commençons par le personnage lambda. Il s’agit d’un être banal vivant une vie normale, dans un cadre commun. Dans un premier temps, on peut être agacé par sa normalité, son quotidien sans intérêt, ses petits défauts (qui nous rappellent tant les nôtres !) ou son absence de qualités héroïques.

Mais, lorsque ce personnage sera plongé dans une aventure hors du commun, il pourra trouver en lui des ressources insoupçonnées et des trésors qu’il ignorait jusque-là.

Le personnage négatif

Celui-là se distingue par ses caractéristiques antihéroïques : il peut être lâche, égoïste, superficiel, intéressé, menteur, manipulateur, etc. Certains sont même carrément détestables ou hors-la-loi.

Les antihéros négatifs peuvent néanmoins avoir de grandes qualités, en parallèle de tous leurs défauts. Certains sont très doués dans un domaine particulier, ce qui leur confère une aura fascinante.

À lire aussi : Le conflit interne du personnage de roman

Qu’est-ce qu’un antihéros peut apporter à votre roman ?

De l’intérêt

Comme je le disais plus haut, de nos jours, les héros traditionnels sont vite ennuyeux. Qui préfère Thor à Loki ? Ou Luke Skywalker à Han Solo ? La perfection a tendance à faire lever les yeux au ciel. On s’intéresse plus facilement aux personnages qui sortent des sentiers battus.

Au-delà de cette originalité rafraichissante, un antihéros a aussi plus de chances d’être complexe et imprévisible qu’un personnage sans faille. Ses réactions singulières et ses éventuels méfaits apportent du piment à l’histoire.

De l’empathie

S’il est bien construit, un antihéros peut se révéler très attachant. Le lecteur s’identifie plus à lui qu’à un personnage trop parfait, car il verra dans ses défauts ou sa banalité l’expression de son humanité.

Découvrir ce qui a causé le comportement négatif du antihéros (un passé difficile par exemple) permettra de toucher le cœur du lecteur, qui s’attachera d’autant plus au personnage.

De la fascination

En tant que lecteurs, les personnages avec une vraie part d’ombre nous fascinent.

Déjà parce que leur capacité à déraper créé de la tension dans le roman. On se demande comment ils vont réagir à telle ou telle situation, ce qui apporte du suspense.

Et puis il y a aussi une petite catégorie de antihéros tellement détestables qu’on ne peut pas s’identifier à eux, ni s’y attacher. En revanche, s’ils sont bien construits, leur noirceur les rend hautement intéressants, et fait tout le sel des romans qu’ils habitent.

Comment réussir votre antihéros ?

Voici quelques pistes pour créer un antihéros profond et captivant dans votre roman :

Dévoilez aussi ses qualités

👉 Si votre personnage principal est ordinaire, c’est-à-dire dénué des qualités héroïques habituelles, dévoilez peu à peu les autres atouts qui se cachent en lui. Les difficultés rencontrées pendant l’intrigue peuvent être l’occasion de le révéler à lui-même. Par exemple, un personnage lâche peut se dépasser par loyauté pour un ami, ou un autre qui manque cruellement de charisme peut être doté d’une ténacité hors du commun.

Approfondissez-le

👉 S’il est détestable, creusez son caractère pour voir ce qui se cache derrière les apparences. Un antihéros bête et méchant n’intéressera personne ! Donnez-lui des failles, de la profondeur, une vraie complexité psychologique. N’hésitez pas à développer son passé et ses traumatismes. En faisant ressentir ses souffrances à votre lecteur, vous favoriserez son attachement au personnage.

Laissez-le agir comme un antihéros

👉 N’hésitez pas à lui faire faire de mauvais choix ! Le lecteur s’attend à voir votre antihéros agir en fonction de sa personnalité : ne le transformez pas en enfant de cœur. Mais faites-le aussi agir dans le bon sens de temps en temps. Pour nous montrer qu’il a évolué, par exemple. Ou parce qu’un personnage odieux sur certains plans peut tout à fait se montrer agréable sur d’autres.

Trouvez-lui une faiblesse

👉 Donnez-lui une faiblesse. Dans Les Liaisons Dangereuses, le personnage du Vicomte de Valmont est insupportable, mais ses sentiments (bien cachés) pour Madame de Tourvel le rachètent un peu à nos yeux.

Faites-le évoluer

👉 Vous pouvez aussi mettre en avant la capacité de rédemption du antihéros. Bien menée sur toute la durée du roman, une transformation positive est un puissant outil narratif.

Confrontez-le à un personnage encore pire

👉 Pour que le lecteur relativise ses méfaits, confrontez votre antihéros à un personnage bien pire que lui ! Ses mauvais côtés nous paraitront moindres, comparés à ceux d’un individu abominable.

À lire aussi : Antagoniste, mais pourquoi est-il si méchant ?

Soignez son look

👉 Pourquoi ne pas vous amuser avec son apparence physique ? Dans Six of Crows, Kaz Brekker est indissociable de sa canne ; dans Autant en Emporte le Vent, Scarlett O’hara adore les robes tape à l’œil ; dans Millénium, Lisbeth Salander est tatouée et a les cheveux teints en noir … Vous aussi, jouez avec la présentation de votre antihéros pour renforcer sa caractérisation dans votre roman.

Attribuez-lui un don unique

👉 Enfin, si vous voulez mettre en scène un antihéros absolument détestable, vous avez une carte à jouer pour le rendre intéressant : celle du don unique. Attribuez-lui une capacité hors-normes, faites de lui un virtuose et développez cet aspect dans votre roman. C’est une bonne manière de contrebalancer le sentiment négatif qu’il inspire au lecteur, et de le rendre captivant malgré tout.

Trois bons exemples de antihéros

Ophélie, La Passe-Miroir (Christelle Dabos)

Illustration Kororo

Dans le premier tome de la saga, Ophélie est décrite comme une jeune fille effacée et renfermée, qui passe son temps dans son musée et porte des tenues de vielle dame. Toujours cachée derrière ses grosses lunettes, ses robes démodées et sa longue écharpe attrape-poussière, elle n’a pas l’étoffe des héroïnes habituelles …

Au début, Ophélie est passive dans la dynamique du roman, laissant les femmes qui l’entourent (sa mère et les doyennes) décider de tout pour elle. Pourtant, leurs projets la concernant la révoltent intérieurement. Mais elle ne tente pas de changer le cours des événements et se laisse faire. Bref, au niveau comportemental aussi, Ophélie s’oppose au cliché de l’héroïne « young adult », qui est plutôt badass et rebelle.

En cela, Ophélie peut agacer, mais son personnage atypique nous interpelle.

Très vite, on se rend compte de ses qualités : Ophélie est fiable, réfléchie, honnête et intransigeante sur ses valeurs. Sans oublier son don remarquable de « liseuse » (l’art de lire le passé des objets) ainsi que sa capacité à voyager à travers les miroirs, qui est une aptitude rarissime. Car, comme le dit son Grand-Oncle :

Passer les miroirs, ça demande de s’affronter soi-même. Il faut des tripes, t’sais, pour se regarder droit dans les mirettes, se voir tel qu’on est, plonger dans son propre reflet. Ceux qui se voilent la face, ceux qui se mentent à eux-mêmes, ceux qui se voient mieux qu’ils sont, ils pourront jamais.

Christelle Dabos, Les Fiancés de l’Hiver

Enfin, Ophélie est un bon exemple de transformation positive d’un personnage de roman, puisqu’elle va évoluer au fil des tomes jusqu’à prendre sa vie en main et devenir maîtresse de son destin, sans changer sa personnalité profonde.

Grenouille, Le Parfum (Patrick Süskind)

Voilà un parfait portrait de antihéros détestable, auquel le lecteur ne peut pas s’attacher. D’ailleurs, même dans l’histoire, personne n’a jamais aimé Jean-Baptiste Grenouille, qui est né sans odeur.

S’il ne dégage aucun parfum, le personnage de Grenouille est doté d’un don extraordinaire : il a un « nez » hors normes et peut sentir le monde avec une acuité surnaturelle. Et notamment l’odeur des gens, qu’il s’attache à reproduire avec des « matières premières ».

Grenouille ne suscite aucune empathie chez le lecteur du roman. Déjà parce qu’il va commettre des crimes affreux pour assouvir sa passion du parfum, mais aussi parce qu’il fonctionne différemment de nous.

Grenouille n’aime personne, ne connaît pas la culpabilité et n’éprouve aucun intérêt pour les autres (si ce n’est pour leur odeur). Il ne ressent aucune émotion, ou plutôt, pas les mêmes que celles des autres êtres humains : pour lui, toutes ses peines, ses joies et ses désirs tournent autour du monde des odeurs.

Il soupçonnait que ce n’était pas lui qui suivait le parfum, mais que c’était le parfum qui l’avait fait captif et l’attirait à présent vers lui, irrésistiblement.

Patrick Süskind, Le Parfum

En tant que lecteurs, nous ne pouvons donc pas nous attacher au personnage de Grenouille … tout simplement car son fonctionnement est trop différent du nôtre.

Et pourtant, l’histoire vue par ses yeux, ou plutôt par son nez, est fascinante. Elle nous fait découvrir le monde par le prisme des odeurs, avec une grande poésie. Le parfum se lit comme une expérience olfactive et romanesque inédite. C’est un livre clivant, qui est considéré comme trop dérangeant par certains, mais fascinant par d’autres.

Grenouille est un antihéros dont l’atypisme fait tout l’intérêt du livre.

Jaime, Le Trône de Fer (George R.R. Martin)

Jaime Lannister est un antihéros intéressant car il possède toutes les capacités du héros parfait … mais ne les utilise pas à bon escient.

Avec ce personnage, George R.R. Martin joue avec la figure traditionnelle du chevalier.

Jaime est décrit comme très beau, fort et courageux. C’est un virtuose du combat à l’épée, qui est devenu une légende sur le champ de bataille …

Mais Jaime a perdu son honneur aux yeux du peuple et des seigneurs de Westeros. Plusieurs années auparavant, il s’est parjuré en assassinant le roi qu’il était censé protéger. Depuis, il porte le surnom humiliant de Régicide. Jaime fait toujours partie de la Garde Royale car c’est sa famille qui a pris le pouvoir. Concernant le reste du monde, il est craint par tous, mais n’est plus respecté.

En un sens, Jaime est un héros déchu.

Au début de la saga, c’est un personnage détestable, qui se montre arrogant et commet des actes odieux. Mais, au fur et à mesure, il devient l’un des personnages les plus attachants du Trône de Fer.

Comment George R.R. Martin réussit-il ce tour de force ? En creusant ce personnage pour nous faire apercevoir ce qui se cache sous sa carapace.

Si vous avez de vrais personnages qui luttent contre de vrais problèmes, si vous avez le cœur d’un être humain en conflit avec lui-même, peu importe que cela se passe dans un château ou dans un vaisseau spatial… Si vous avez cela, alors vous avez quelque chose de puissant.

George R.R. Martin, Masterclass Book Writing Ideas

On découvre notamment les vraies raisons de son régicide. Jaime n’a pas tué uniquement pour faire accéder sa famille au Trône. Le roi qu’il servait, Aerys II Targaryen – surnommé le Roi Fou – était délirant et n’hésitait pas à brûler vifs tous ceux qu’il soupçonnait de trahison. Aerys devenait incontrôlable et Jaime assistait au carnage … Il fallait que quelqu’un agisse pour que le Roi Fou cesse son massacre.

Au fil de l’histoire, on comprend aussi à quel point l’amour incestueux entre Jaime et sa sœur Cersei l’aveugle. À la base, le personnage de Jaime n’a pas mauvais fond, contrairement à sa sœur. Mais il l’aime tellement qu’il est capable de commettre le pire pour elle.

C’est finalement sa rencontre avec une autre femme qui va le faire évoluer. Brienne est animée de profondes valeurs chevaleresques, et sa proximité va réveiller celles qui sont enfouies en lui.

Comme quoi, la trajectoire de rédemption d’un antihéros peut nous toucher bien plus que s’il avait été un héros parfait et sans faille dès le début de l’histoire …

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  • Judith le 18/10/2021 à 18 h 04 min

    Je valide les antihéros…
    Je ne sais pas trop si tu connais mais en exemple de antihéros bien insupportable (je dis ça mais un tome sur deux j’ai envie de l’étriper (bien que je ne me risquerais pas à le faire, je tiens à ma vie) tandis que le tome suivant je rêve de l’épouser…), je dirais que Onyx des Chevaliers d’Emeraude est juste fascinant. Un homme qui refuse de mourir, complètement mégalo sur certain aspect, très touchant aussi par certain côté de sa personnalité, jamais gentil jamais méchant, mais fascinant par chacune de ses actions et par sa magie démentielle.
    J’essaie d’écrire un antihéros mais en fait je me rend compte que de nombreux antihéros sont juste finalement des gens normaux car tout le monde à ses failles (plus ou moins profonde mais quand même)
    Merci beaucoup pour les conseils, j’adore les lire car ça me motive à écrire mon histoire de manière assidu.

    • Charlotte le 19/10/2021 à 9 h 36 min

      Merci beaucoup Judith 😊 . Je n’ai pas lu Les chevaliers d’Émeraude, mais tu me donnes envie !

      • Judith le 19/10/2021 à 16 h 05 min

        Franchement c’est une super série… mais ça reste quand même pour « enfant/adolescent » et c’est pas toujours très homogène. Et puis c’est trop long, surtout si on commence à lire les suites.
        Mais c’est de la bonne héroic fantasy et certains personnages sont super intéressants.
        Après, comme c’est super addictif ça se lit super bien… faut juste avoir le temps quoi.

        • Charlotte le 20/10/2021 à 16 h 07 min

          Ah les longues séries qu’on adore mais qu’on n’arrive pas à finir, je connais ça !

  • Anna le 18/10/2021 à 23 h 30 min

    Merci beaucoup pour cet article !
    Très intéressant comme toujours !
    Petite question, hors sujet, mais je me demandait quelle était la police d’écriture utilisée pour les extrait de livre comme : « Il soupçonnait que ce n’était pas lui qui suivait le parfum, mais que c’était le parfum qui l’avait fait captif et l’attirait à présent vers lui, irrésistiblement. » ?
    Merci.

    • Charlotte le 19/10/2021 à 9 h 39 min

      Merci Anna ! Cette typo s’affiche automatiquement lorsque je mets une phrase en « citation » sous WordPress, a priori il s’agit de la typo « Georgia » en italique.

      • Anna le 23/10/2021 à 11 h 36 min

        Merci beaucoup!

  • Caroline le 22/10/2021 à 18 h 19 min

    Oh, enfin une présentation claire de ce qu’est un antihéros ! Merci pour ça, c’est quelque chose que j’ai longuement attendu!
    J’avoue être particulièrement fan des antihéros détestables qui suivent un chemin vers la rédemption… Même si cette ficelle est pas mal utilisée, et pas toujours très bien, malheureusement… (Mention spéciale à la transformation d’un antihéros dangereux, complexe et moralement ambiguë en simple sidekick comique du héros.)

    • Charlotte le 25/10/2021 à 9 h 42 min

      Merci pour ton message Caroline 🙂

      Oui, c’est vrai que ce genre de transformation est captivante, mais seulement si elle est fine et subtile !

  • Lilas le 02/11/2021 à 14 h 01 min

    Oh ! je suis trop contente que tu aies parlé de Thor et Loki ! Je pensais être la seule à préférer les antihéros que les héros (drago, loki, mandy, chloé bourgeois…). J’adore ces personnages mais ils sont durs à écrire, j’ai tendance à leur rajouter la compassion, la pitié, l’empathie et du coup, ils ne sont plus aussi « antihéros ». Tes conseils me sont précieux, je les rajoute dans ma liste pour mes personnages !

    • Charlotte le 03/01/2022 à 9 h 30 min

      Merci Lilas ! Non au contraire, de nos jours beaucoup de lecteurs/spectateurs préfèrent les antihéros aux héros 😊. Oui je te rejoins là-dessus, on a naturellement tendance à attribuer certaines qualités à ses personnages (comme l’empathie) parce qu’on s’identifie à eux, et ce n’est pas toujours facile de créer un héros mauvais !

  • Miss Ravenclaw le 06/11/2021 à 15 h 04 min

    Bonjour !
    Je découvre votre blog et j’adore ^^ ! Je suis moi aussi en train d’écrire un roman. Je n’avais pas pensé à un antihéros, je vais donc essayer de ne pas créer un personnage trop parfait, mais pas un personnage trop ténébreux non plus. En bref, je voudrais qu’il me ressemble mais qu’il reflète aussi mes défauts. Tes conseils sont superbes, j’ai lu pas mal de tes conseils sur ton blog et c’est super que tu fasses ça ! Merci 🙂
    Bonne fin de journée !
    Miss Ravenclaw.

    • Charlotte le 03/01/2022 à 9 h 31 min

      Bonjour, merci beaucoup pour ce message et bonne écriture à vous !