Écriture

Manier les registres de langue dans son roman

07/02/2022

Les registres de langue désignent la façon dont vont parler vos personnages, et plus particulièrement leur niveau de langage : vulgaire, familier, soutenu …

Eh oui, comme les gens dans la vraie vie, les héros de roman peuvent avoir différentes manières de s’exprimer !

Il s’agit d’un choix à faire en conscience, car il aura un impact sur le ressenti que vos lecteurs auront de vos personnages. En effet, faire adopter à votre héros un langage vulgaire, ou au contraire châtié, fera partie intégrante de sa caractérisation, de ce qu’il dégage, et donc de l’impression qu’il laissera aux lecteurs.

Pourquoi jouer avec les niveaux de langage dans votre roman ?

Déjà parce qu’une variété de registres de langue apportera du relief, de la richesse à votre univers ! Pensez à notre quotidien : un monde où tout le monde parlerait de la même manière ne vous paraîtrait-il pas plat et fade ? C’est la même chose dans votre histoire. De plus, cela lui apportera une couche supplémentaire de vraisemblance et de crédibilité.

L’autre avantage des registres de langue, c’est qu’ils permettent d’affiner la caractérisation des personnages. Quand nous entendons parler une personne, sa manière de s’exprimer nous apporte certaines informations sur elle … C’est la même chose pour les personnages de votre livre.

Il serait dommage de vous priver de cet outil dans l’écriture de votre roman. Grâce aux registres de langue, la manière dont parleront vos personnages sera incarnée, vivante, révélatrice d’une partie de leur personnalité.

💡 Quand on écrit un dialogue entre plusieurs personnages, l’idéal est de limiter les incises (« dit Claire », « répondit Charles ») tout en montrant qui parle. Caractériser les répliques des personnages, notamment grâce à leur niveau de langue, est un bon moyen d’y arriver.

À lire aussi : Dialogues, trouver la voix de ses personnages

Comment utiliser les registres de langue à bon escient ?

Pour chacun de vos personnages principaux, choisissez un registre de langue dès la création de votre fiche personnage.

Le plus souvent, ce choix se fait selon son âge, son vécu et son milieu social : votre personnage doit s’exprimer en cohérence avec son contexte socioculturel.

Ensuite, sauf cas particulier, il devra garder le même registre sur tout le roman.

⚠️ Attribuer un registre de langage à un personnage, c’est bien. Mais attention à ne pas tomber dans la caricature. Sachez doser, restez subtil dans votre manière de jouer avec le langage pour éviter les clichés.

💡 Registres de langue et narration : Il arrive qu’un registre de langue infuse tout un roman et lui confère un ton particulier, quand il est attribué au narrateur du roman. Dans ce cas, ce ne sont pas seulement les dialogues qui traduiront un niveau de langage, mais l’entièreté du récit !

Les différents registres de langue

Le registre populaire

Ici, le personnage ne cherche pas à correspondre aux règles de la bienséance. Dans ce registre, on trouve tout un tas de libertés langagières (anglicismes, contractions de mots …)

C’est aussi le langage de l’argot (qui traduit un milieu et une époque spécifiques), des expressions régionales ou même de la vulgarité. Dans ce dernier cas, on utilisera des termes crus, grossiers ou à connotation sexuelle.

✍️ Dans votre roman, le langage populaire peut révéler un milieu défavorisé (mais pas toujours). La vulgarité, quant à elle, peut servir à souligner l’agressivité d’un personnage, son impulsivité, ou à révéler une autre facette de son tempérament.

Le registre familier

C’est le langage que l’on utilise avec ses proches, quand on est à l’aise et que l’on peut se passer de formalisme. C’est la manière dont la plupart d’entre nous nous exprimons en famille ou entre amis. Place à la spontanéité !

Le niveau familier est celui du quotidien, qui évite la grossièreté mais ne se prive pas de simplifier le langage : raccourcis (« t’es pas cap »), interjections (« ah ! »), suppression du ne de la négation (« j’aime pas ») …

✍️ Plutôt basique, le langage familier est idéal pour donner un ton naturel et crédible à un dialogue de roman, pour peu qu’il se déroule entre personnes proches.

Le registre courant

C’est le langage formel par excellence. Assez neutre, il manque un peu de personnalité, mais a l’avantage d’être standard et facile à comprendre.

On utilise fréquemment ce registre à l’écrit, en choisissant ses mots pour s’adresser à un public large et indéterminé. C’est à dire en respectant scrupuleusement les règles du langage, mais en veillant aussi à ne pas emprunter un vocabulaire trop compliqué pour être compréhensible par tous.

✍️ Le registre courant est l’apanage des discussions standardisées (au travail, lors d’un rendez-vous administratif ou médical …). C’est aussi le langage que l’on retrouve dans la presse, à la radio ou dans les émissions télé.

Le registre soutenu

Il s’agit d’un langage plus littéraire, marqué par des phrases longues, une syntaxe recherchée, l’usage de figures de style, un vocabulaire riche et nuancé, et même l’emploi de mots savants.

La plupart du temps, le registre soutenu reste l’apanage de l’écrit : il est employé dans les textes de facture littéraire, comme c’est le cas des grands classiques. Mais il peut parfois être utilisé à l’oral par des personnages dont on veut souligner le milieu socioculturel élevé ou le haut niveau d’instruction.

✍️ Le langage soutenu peut donc correspondre à l’éloquence de certains personnages de romans. Cela dit, il est à manier avec des pincettes dans le cadre du récit contemporain car de nos jours, peu de gens s’expriment de manière aussi littéraire, surtout à l’oral ! Il peut par exemple servir à renforcer le décalage entre un personnage et la société.

📘 Un exemple d’utilisation romanesque des registres de langue

Voici un extrait du roman Ensemble c’est tout d’Anna Gavalda, qui utilise beaucoup le langage populaire et le langage familier en fonction des personnages qui parlent :

Le chef vint leur tenir la jambe un moment et leur servit un vieil armagnac que ces dames refusèrent d’abord avant de le siffler comme un petit vin de messe. Il raconta à Franck des histoires de cuisiniers et lui demanda quand il reviendrait travailler par ici …
– Les Parigots, y savent pas manger … Les femmes elles font du régime et les hommes y pensent qu’à leurs notes de frais … Je suis sûr que t’as jamais d’amoureux. À midi, t’as que des hommes d’affaires qui se foutent bien de ce qu’y mangent et le soir, t’as que des couples qui fêtent leur vingt ans de mariage en se faisant la gueule parce que leur voiture est mal garée et qu’ils ont peur de la retrouver à la fourrière … Reviens donc par ici, on ira à la pêche avec les amis …
– Vous voulez vendre, René ?
– Pff … À qui ?

Et voilà pour ce petit point sur les registres de langue 😊

À lire aussi : Jouer avec la ponctuation pour faire vivre son roman

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  • Judith le 07/02/2022 à 20 h 03 min

    Et ben c’est pas gagné ! J’ai essayé au début, ça faisait cliché, et du coup maintenant je fais comme ça vient, sans y penser (peut-être que en relisant je me rendrais compte que je l’ai fait sans m’en rendre compte ou que je déciderais de le faire en relecture mais pour l’instant, j’abandonne cette partie)
    Sinon très sympa cette article, clair et précis !

    • Charlotte le 09/02/2022 à 14 h 19 min

      Merci Judith ! Oui en effet l’écueil à éviter est la caricature ou le cliché. Mais je pense que ça se travaille, il faut un peu s’entraîner pour avoir un rendu subtil, pour exprimer le registre de langue par petites touches sans trop en faire.

  • Thierry le 08/02/2022 à 9 h 52 min

    Très bonne idée cette article ! Merci. En visualisant mes personnages au début j’imagine leur façon de s’exprimer. Parfois ils me surprennent quand même par des expressions ou des formules qui arrivent dans les dialogues. Ensuite il est intéressant de varier les styles, c’est vrai, de façon à tisser un monde avec de la diversité dans lequel chaque personnage sera bien identifié.

    • Charlotte le 09/02/2022 à 14 h 19 min

      Merci beaucoup Thierry. C’est bon signe quand les personnages nous surprennent !