Cette semaine, j’ai envie de décrypter sous l’angle de l’écriture un classique que j’adore : Jane Eyre de Charlotte Brontë. Ce roman a beau avoir deux cent ans, il n’a pas pris une ride !
C’est un récit qui dépeint son époque avec un regard très moderne (son autrice y dresse un portrait édifiant du statut des femmes et des inégalités sociales) mais au-delà de cet aspect, c’est un livre captivant à lire.
Dans cet article, je vais décortiquer ce qui en fait, selon moi, un roman passionnant. Il va être question de début haletant, d’ascenseur émotionnel et de beauté intérieure …
C’est parti, je vous emmène avec moi dans l’univers sensible et tourmenté de Jane Eyre 📜
Un début qui prend aux tripes
L’un des leviers des romans accrocheurs, c’est de commencer par un début qui aimante les lecteurs. Jane Eyre fait justement partie de ces histoires magnétiques dès les premières pages …
J’ai tout de suite été embarquée par ce roman, et j’ai lu ses premiers chapitres d’une traite. Notons que c’est assez rare avec les classiques, où le récit met souvent du temps à se mettre en place.
Son secret ? L’intrigue nous propulse directement dans l’enfance difficile de la petite Jane. Orpheline recueillie par une tante cruelle, elle subit des maltraitances physiques et psychologiques. Ainsi, on entre tout de suite en empathie avec elle. On s’attache à Jane et on a envie de lire la suite pour savoir si elle va s’en sortir.
C’est un procédé d’autant plus poignant que la narration est à la première personne, nous plongeant directement dans les pensées de Jane. On ressent sa souffrance et le sentiment d’injustice qui la tenaille, comme si on était dans sa tête.
✍️ Quand on parle suspense, on pense tout de suite péripéties, cliffangers et rebondissements … Pourtant, l’un des moyens les plus organiques de créer de l’attente chez le lecteur est de mettre en scène un personnage attachant … et de le faire souffrir. C’est lorsqu’on s’implique émotionnellement avec un héros qu’on a envie de lire ses aventures.
Des montagnes russes émotionnelles
Dans le roman de Charlotte Brontë, Jane vit un périple haut en couleur. Elle ne mène pas une petite vie tranquille, loin de là. L’héroïne se retrouve cahotée entre sa famille adoptive, une pension austère, un manoir mystérieux, les tréfonds de la campagne anglaise …
L’intrigue ballote le cœur de notre pauvre Jane, qui ressent tour à tour un éventail d’émotions contrastées. Ce point m’a particulièrement marquée. Entre révélations de secrets tragiques, rapprochements inattendus et périls dangereux, à ses moments de bonheur succèdent des périodes d’intense déception et de déchéance … avant que sa courbe émotionnelle remonte vers des sommets.
Le lecteur vit cet ascenseur émotionnel avec Jane, et a du mal à lâcher le livre !
⚙️ Cet aspect de Jane Eyre m’a fait penser à une analyse que j’ai lue dans The Bestseller code. Ses auteurs, Jodie Archer et Matthew L. Jocker, y décryptent les romans qui se vendent le mieux pour leur trouver des points communs. Ils expliquent notamment que les best-sellers présentent un rythme oscillant entre des émotions très contrastées … comme dans le roman de Charlotte Brontë.
Un hymne à la profondeur
Au-delà de son héroïne attachante et de son intrigue prenante, Jane Eyre est un roman profond, qui résonne comme une ode à la beauté intérieure.
Ses deux personnages principaux, Jane et Mr Rochester, sont décrits comme laids et peu charismatiques. Les sentiments qui vont naître entre eux, bien que passionnels, sont fondés sur leur entente profonde.
Parallèlement, le récit présente plusieurs exemples de personnes superbes et charismatiques en apparence, qui se révèlent être très sombres à l’intérieur, une fois qu’on les connaît (la belle et méprisante Blanche Ingram, ou encore le glaçant pasteur St John Rivers).
👩 Si Jane Eyre est un roman profond, c’est aussi parce qu’il nous offre une plongée dans l’âme de sa narratrice. C’est un récit vibrant qui restitue toutes les nuances de la personnalité de Jane. L’héroïne de Charlotte Brontë nous livre sans pudeur ses rêves et ses peurs, ses sentiments et sa trajectoire intime. C’est aussi cela qui rend ce roman intemporel et captivant à lire. Notons que l’utilisation de la première personne du singulier favorise cette proximité, et cette identification du lecteur au héros.
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