Écrire un roman pour enfants

Comment scotcher les jeunes lecteurs aux pages d’un livre ? Quelles sont les spécificités du roman jeunesse ? Y a-t-il des thèmes à éviter dans une histoire pour enfants ? Cette semaine, nous allons explorer l’univers bien particulier du roman jeunesse !

Je tente ici une nouvelle approche sur le blog, avec un article en réponse à une question posée par une lectrice, Catherine. Sa question concerne l’écriture d’un livre pour enfants. Comme de nombreux auteurs en herbe s’y intéressent, j’ai décidé de consacrer un article entier à ma réponse.

« Je souhaite écrire, mais c’est difficile de trouver la motivation pour commencer … As-tu des conseils d’écriture pour un roman qui s’adresse aux enfants (disons entre 9 et 12 ans) ? Ça me semble plus facile pour débuter. »

Merci Catherine pour cette question, qui est intéressante à plusieurs niveaux. D’une part, parce qu’il y a bien des choses à dire à ce sujet. D’autre part, parce que cette interrogation est révélatrice d’une idée partagée par beaucoup de gens : un roman pour enfants serait plus simple à concevoir qu’un récit pour adultes, et donc, si l’on souhaite écrire un premier livre, il serait moins risqué de commencer par là …

À vrai dire, je ne suis pas d’accord. Pour moi, la littérature jeunesse n’est pas plus simple à écrire que les autres. C’est un genre à part entière, qui comporte ses codes, ses thèmes et sa complexité propre.

Certains auteurs excelleront en la matière, quand d’autres, doués pour le polar ou la romance, seront incapables d‘écrire un bon roman pour enfants …

À mon sens, il faut se défaire de l’idée qu’un livre jeunesse est plus facile à écrire, et ne se lancer dans un projet de ce type que si l’on aime sincèrement ce genre.

Voilà qui nous amène à mon premier conseil :

1. Lisez des romans jeunesse

Cette recommandation sera d’ailleurs la même pour tous les genres littéraires : quand on veut écrire pour un lectorat ciblé, il faut commencer par lire ce dont il raffole. C’est nécessaire pour assimiler les mécanismes de ce genre bien particulier, comprendre ce qui en fait la richesse, cerner ses codes et se les approprier.

Si vous souhaitez écrire un livre jeunesse, vous affectionnez sans doute déjà ce genre … Si ce n’est pas le cas, alors plongez-vous dedans, ce serait-ce que pour voir s’il vous parle assez pour en écrire à votre tour.

📚 Il existe d’innombrables romans pour enfants passionnants à lire, même quand on est adulte. Citons les classiques comme Harry Potter de J.K. Rowling, À la croisée des mondes de Philip Pullman ou encore Tobie Lolness de Timothée de Fombelle … Ne vous croyez pas trop vieux pour apprécier ces histoires fabuleuses et découvrez la richesse de la littérature jeunesse dédiée aux 9-12 ans !

Vous ne pouvez pas être un bon écrivain sans être un grand lecteur. La lecture est le meilleur moyen d’analyser ce qui fait un bon livre.

J.K. Rowling

2. Basez votre roman pour enfants sur leurs préoccupations

Les centres d’intérêt des adultes ne parleront pas aux plus jeunes, et risquent de les ennuyer. Adaptez donc votre roman à la tranche d’âge à laquelle vous le dédiez. Commencez par mettre en scène un héros/une héroïne de leur âge, ou de quelques années de plus, auquel ils pourront s’identifier.

Essayez de voir le monde à travers les yeux d’un enfant de 9-12 ans pour choisir les thèmes de votre roman jeunesse. Vous pouvez étudier ce qui marche en librairie pour cette tranche d’âge, ou questionner les enfants de votre entourage.

Par exemple, un univers fantastique à l’imaginaire foisonnant les fera rêver. Et, si vous préférez écrire un roman jeunesse réaliste, évoquez un quotidien proche de ce qu’ils vivent et de leurs préoccupations (école, famille, copains …)

Ce qui fonctionne bien aussi, c’est de mélanger plusieurs univers, à l’instar de Harry Potter, qui parle d’amitié, de rivalité et de scolarité … mais dans une école magique fréquentée par des sorciers.

🌱 Le fait de cibler les préoccupations des plus jeunes ne doit pas vous empêcher de glisser un message qui vous est cher dans votre roman pour enfants. Ainsi, Tobie Lolness peut être lu comme une fable écologique autant que comme un récit d’aventure trépidant.

3. N’édulcorez pas trop votre roman jeunesse

Quand on écrit un livre pour enfants, la tentation est grande de produire un texte douceâtre et ennuyeux pour ménager leur sensibilité. Mais les enfants sont comme les adultes : ils aiment les histoires semées d’obstacles et de difficultés, où les héros doivent lutter pour s’affirmer, s’épanouir et trouver le bonheur.

Pensez aux classiques de la littérature jeunesse. Harry Potter a été élevé par une famille maltraitante et est poursuivi par un mage fou furieux. La directrice d’école de Matilda (Roald Dahl) est connue pour torturer ses élèves. Le premier tome d’À la croisée des mondes parle d’enfants kidnappés par un groupuscule terrifiant.

Sans parler des contes dans leur version originale, souvent très sombre …

💡 Inutile d’écrire un roman jeunesse sirupeux, où tout se passe à merveille dans le meilleur des mondes. Même les thèmes difficiles, comme la guerre ou le deuil, trouvent leur place au rayon de la littérature enfantine. En revanche, si on peut parler de beaucoup de choses, il ne faut pas le faire n’importe comment. Pas de violence excessive, par exemple. Adaptez-vous à l’âge de votre lectorat et apprenez à doser. L’exercice n’est pas facile, mais lire d’autres romans pour enfants vous aidera à trouver le bon ton.

4. Écrivez pour les enfants avec autant de soin que pour les adultes

Comme je le disais plus haut, la littérature pour enfants n’est pas un genre mineur. Elle est aussi complexe que celle destinée aux adultes, même si elle comporte ses propres codes.

De fait, il faut apporter autant de soin à un roman jeunesse qu’à un récit pour adultes.

✒️ Préparez votre livre pour enfants avant sa rédaction. Écrivez le premier jet avec spontanéité. Laissez-le reposer quelques semaines, puis revenez-y avec un regard neuf, et réécrivez-le pour l’améliorer.

Comme pour tous les genres littéraires, il convient de soigner votre roman pour enfants en :

• Structurant votre intrigue pour la rendre prenante (voir ici)
• Travaillant vos personnages en profondeur (voir ici)
• Créant un univers riche et crédible (dans le cas d’un roman fantastique).

📜 Découvrez mon kit d’écriture « Créez un monde fantastique pour votre roman » ici. Il contient un guide numérique de 41 pages pour vous aider à créer un monde immersif et cohérent + des fiches pour faciliter votre passage à l’action.

5. Prenez en compte les spécificités du roman jeunesse

Les romans pour enfants gagnent à être traités de manière spécifique sur certains axes :

→ Évitez les descriptions à rallonge, qui risquent de décourager les jeunes lecteurs.

→ Privilégiez l’action et maintenez un certain dynamisme dans votre intrigue.

→ Si vous le sentez, écrivez avec humour, les enfants aiment ce qui est drôle.

→ Déployez votre imaginaire, réveillez l’enfant qui sommeille en vous !

→ Ne soyez pas didactique et ne jouez pas au donneur de leçons en utilisant votre roman comme prétexte à l’inculcation d’une morale. Les enfants lisent pour rêver et se distraire … pas pour assister à un cours.

→ Intéressez-vous au voyage initiatique, ce schéma selon lequel un héros est confronté à des épreuves pour grandir et passer à l’âge adulte. Il n’est, bien sûr, pas obligatoire de le suivre dans votre roman jeunesse, mais c’est un thème qui parle aux enfants et les captive.

→ Écrivez de manière visuelle et expressive, pour que votre texte évoque des images à vos jeunes lecteurs. N’hésitez pas à utiliser des figures de style imagées pour rendre votre récit palpable …

Vous devriez faire en sorte que votre scène prenne vie dans l’esprit du lecteur.

Roald Dahl

À lire aussi : Utiliser les figures de style pour imager son roman

6. Dosez le vocabulaire de votre livre pour enfants

Au niveau stylistique, on pourrait penser qu’il est plus aisé d’écrire un roman pour enfants. Mais c’est une impression trompeuse. En réalité, ce n’est pas évident de savoir où se trouve le juste milieu entre richesse et fluidité du vocabulaire, de rédiger de manière claire à destination de la jeunesse, mais sans être simpliste.

Là où un tout petit aura besoin de structures syntaxiques très simples, la tranche des 9-12 ans nécessite plus de complexité. N’oubliez pas que les enfants sont un public exigeant, qui a soif d’apprendre.

Évitez donc de ne composer que des phrases de six mots et d’employer un vocabulaire au ras des pâquerettes, sans pour autant transformer votre récit en dictionnaire des mots oubliés ! Car un texte trop difficile à aborder rendrait la lecture lourde et décourageante aux yeux de votre jeune lectorat.

⚡️ Prenons une nouvelle fois l’exemple d’Harry Potter, dont une partie du vocabulaire a été inventée par l’auteure. Ainsi, la potion qui répare les os s’appelle le Poussos, la boisson préférée des héros la Bièreaubeurre et la (bruyante) lettre punitive envoyée à certains enfants une Beuglante. Ce champ lexical correspond à l’identité farfelue du monde des sorciers, il lui apporte un grain de folie et une pincée d’inventivité. Le tout en se basant sur des mots connus pour être facilement compréhensible par les jeunes lecteurs des romans pour enfants !

À lire aussi : Les conseils d’écriture de Roald Dahl