Réinventer les contes de notre enfance en y insufflant notre sensibilité et notre regard contemporain … C’est toute la magie des réécritures de contes !
Ce genre bien particulier est en plein essor ces dernières années, que ce soit au cinéma, dans les séries télé ou entre les pages des livres.
Vous aimez ces histoires réinventées et souhaitez en créer une à votre tour ? C’est un sujet qui me parle, puisque j’ai écrit un roman mêlant plusieurs réécritures de contes qui a été publié en 2021.
Je vous propose donc un article pour décoder les secrets de ce genre …
Ouvrez votre plus vieux grimoire et prenez votre plume : nous entrons dans l’univers enchanteur et mystérieux des contes réinterprétés ✨
Une réécriture se base sur le conte d’origine
À la base d’une réécriture de conte, il y a l’interprétation que l’on fait d’une histoire existante. On utilise celle-ci comme un matériau que l’on façonne, tel un sculpteur travaillant la terre pour lui donner une autre forme.
Le conte d’origine nous sert donc de base. Cela sous-entend qu’il faut capter son essence pour la retranscrire ensuite ! Ok, mais comment définir cette substance narrative ? Selon moi, elle est constituée de différents marqueurs.
Citons-en quelques-uns :
La trame
Il s’agit de l’intrigue du conte dans les grandes lignes. Par exemple, dans Le petit chaperon rouge, une fillette qui traverse les bois pour aller chez sa grand-mère est poursuivie par un loup.
L’arrière-texte
On désigne ainsi le fond du conte, c’est-à-dire son message, son thème ou sa symbolique. Comme dans le conte La belle et la bête, qui nous encourage à ne pas juger sur les apparences.
Les personnages
De nombreux contes sont portés par des personnages forts, qu’il s’agisse des héros ou des antagonistes. Que serait le conte du Chat botté sans son félin rusé ? Ou La Barbe-Bleue sans son meurtrier terrifiant ?
L’univers au sens large
Un conte, c’est aussi un ensemble de détails indissociables de l’histoire de base. Il s’agit souvent d’objets ou de lieux marquants, que notre imaginaire associe instantanément au conte. Par exemple, une fiole étiquetée « Drink me » nous fait penser à Alice au pays des Merveilles.
💡 Certains éléments issus des contes traditionnels sont très présents dans notre société. Véritables « icônes pop », ils sont cultes et font partie intégrante de notre univers. Ainsi, on retrouve systématiquement des figurines du Petit bonhomme en pain d’épices au rayon déco de Noël des magasins !
✍️ Trame, arrière-texte, personnages et univers sont autant de pistes à envisager dans votre réécriture de conte. À vous de voir ce qui vous semble le plus intéressant à exploiter dans le conte que vous avez choisi. Tout n’est pas bon à prendre, c’est une question de parti pris et de choix personnels.
Quoi qu’il en soit, n’hésitez pas à multiplier les clins d’œil au texte original dans votre réécriture de conte. Si vous vous contentez d’un seul de ces éléments, le matériau qu’est le conte risque d’être difficilement perceptible dans votre récit, ou traité de manière trop superficielle.
Une réécriture de conte est une réinvention
Ne tombez pas dans le piège de la reformulation toute simple du conte original. Une réécriture n’est pas une mise en roman du conte ! Elle passe par la vision personnelle de l’auteur, par son univers et sa sensibilité artistique. Il faut apporter au texte de base quelque chose de nouveau et de singulier. En d’autres termes : cuisinez le conte à votre sauce.
Voici quelques exemples de ce que vous pouvez transformer dans votre réécriture …
Le cadre
Ici, le conte évolue dans un autre univers que son décor traditionnel. Ce procédé nous le fait découvrir sous un prisme différent et rafraîchissant.
Animale (Victor Dixen) transpose Boucle d’or et les trois ours dans un cadre historique (début 19e siècle) qui donne au conte un support réaliste, malgré la magie et l’étrangeté de l’histoire. Ce que murmure la mer (Claire Carabas) raconte l’histoire de La petite sirène, mais à notre époque et dans un village de Vendée. Ce cadre, qui nous est proche, apporte une touche familière à l’histoire. Cinder (Marissa Meyer) met en scène une héroïne cyborg dans un univers dystopique. Le conte de Cendrillon se réinvente ici dans un style futuriste !
Le ton
C’est aussi la voix qui raconte l’histoire qui peut changer, dans une réécriture de conte. Cela fonctionne particulièrement si la vision de l’auteur dénote par rapport à celle du texte d’origine.
Poison (Sarah Pinborough) réinvente Blanche Neige et les sept nains. Pourtant, la trame est assez similaire au conte … En revanche, le ton change du tout au tout. Cruel et mordant, il contraste par rapport au conte traditionnel. Dans un autre genre, le roman Blanche Neige et les lance-missiles nous propose une version drôle et parodique du conte à la pomme.
L’opposition héros/méchant
Certaines réécritures de contes font des méchants traditionnels les héros de leurs histoires. On découvre leur humanité et les nuances de leur personnalité, mais aussi la trajectoire qui les a fait passer du côté obscur.
Tant que vole la poussière (Cameron Valciano) nous apprend à mieux connaître le capitaine Crochet de Peter Pan, Heartless (Marissa Meyer) la reine de cœur d’Alice au pays des merveilles, Reflet brisé (Nina Gorlier) la méchante reine de Blanche Neige, Quand l’eau chantait le feu (Leigh Bardugo) Ursula de La petite sirène …
À lire aussi : Raconter le passé d’un méchant pour le rendre plus humain
Ou autre !
Je vous ai donné quelques exemples, mais le champ des possibles est vaste. À vous de trouver la manière dont vous avez envie de réinventer les histoires de votre enfance …
Blue (Annabelle Blangier) inverse les genres : Le terrible Barbe-Bleue devient une mystérieuse veuve nommée Blue. Personnellement, c’est l’unité des contes que j’ai modifiée dans mon roman Le royaume sans ciel. Celui-ci revisite à la fois Blanche Neige, Le petit chaperon rouge et Alice au pays des merveilles. Mon but avec cette réécriture, c’était de réunir ces contes très différents dans un univers commun. Mon roman joue donc avec les codes et les trajectoires propres à chacune de ces histoires, pour les intégrer dans une même matrice.
Une réécriture modernise le conte traditionnel
Les contes restent toujours aussi fascinants à lire. Il n’empêche que, sous certains aspects, ces histoires ancestrales se sont un peu démodées avec le temps. Là, je parle notamment du côté manichéen de certains personnages ou de certaines morales.
D’où l’intérêt des réécritures de contes. Elles permettent de conserver ce que l’on aime dans ces récits, tout en les modernisant avec des techniques de narration plus actuelles.
✍️ De cette manière, on peut coller aux attentes des lecteurs d’aujourd’hui tout en continuant à faire vivre des contes vieux de plusieurs centaines d’années.
Quels axes moderniser ?
La profondeur des personnages
Je vous en parlais plus haut : beaucoup de réécritures donnent la parole à des personnages habituellement oubliés des contes traditionnels, que l’on cantonne à des rôles stéréotypés, comme les méchants.
Mais ce sont aussi les héros que l’on peut moderniser ! Ils sont parfois trop lisses dans les contes d’origine, et les réinventer leur permet d’acquérir une personnalité plus complexe.
Malgré un univers de fantasy traditionnelle, le 1er tome du Sorceleur (Adrzej Sapkowski) nous présente une vision modernisée de Blanche Neige. Chassée de son château par sa marâtre, cette princesse badass dirige une troupe de bandits composée de sept nains.
Les choix narratifs
À notre époque, on ne raconte pas les histoires sous le même angle qu’autrefois. Les mécanismes fictionnels ne sont pas les mêmes, les thèmes abordés non plus … Cela offre encore une possibilité de réécrire les contes différemment !
La bête du bois perdu (Nina Gorlier) revisite La belle et la bête dans un cadre de conte traditionnel. Pourtant, l’auteure a pris le parti très moderne de supprimer l’histoire d’amour au profit d’une histoire de vengeance. C’est un choix narratif actuel, puisqu’on s’affranchit de la traditionnelle romance des conte de fées.
Le regard sur le monde
Les mentalités ont évolué, depuis l’écriture de certains contes ! Les réécritures ont donc pour rôle de réinventer ces histoires cultes, en les adaptant à notre point de vue contemporain. Cette problématique concerne notamment la place des femmes dans la société, qui a changé depuis quelques centaines d’années.
D’or et d’oreiller (Flore Vesco) réinvente La princesse au petit pois. Le roman a pour cadre un château de conte ancien, ce qui n’empêche pas l’auteure de détricoter la bienséance qui y est habituellement associée, avec ironie et une pointe de féminisme.
Comment choisir le conte à réécrire ?
Vous êtes tenté par l’exercice de la réécriture, mais vous ne savez pas quel conte choisir ? Voici quelques pistes pour aider à faire votre choix !
- Optez pour un conte qui vous touche personnellement, qui a bercé votre enfance.
- Sélectionnez-en un que vous pouvez exploiter, dont la trame vous semble riche en possibilités narratives à développer.
- Choisissez un conte dont l’univers vous inspire et vous fait rêver.
- Préférez un conte dont le thème et le message vous parlent. Pour cela, n’hésitez pas à faire des recherches sur la signification des contes que vous aimez bien.
- Ou, à l’inverse, faites le choix d’un conte que vous avez envie de bouleverser, dont vous voulez inverser les codes, les héros ou le schéma !
- Ne vous cantonnez pas aux contes traditionnels de nos contrées. Si cela vous tente, explorez ceux de régions du monde plus éloignées (Afrique subsaharienne, Maghreb, Asie, Amérique du sud, Russie, …)
- Respectez les droits d’auteur. En France, selon le Code de la propriété intellectuelle, une œuvre tombe dans le domaine public 70 ans après la mort de son auteur. On peut donc la revisiter à ce moment-là.
Voilà pour cet article sur le sujet passionnant des réécritures de contes 🙂
Que pensez-vous de ce genre littéraire ? Avez-vous déjà eu envie de réinventer une histoire culte ?
Si vous voulez en savoir plus sur mon roman Le royaume sans ciel, vous pouvez le découvrir sur le site de mon éditeur Magic Mirror Éditions, qui est spécialisé en réécritures de contes, en cliquant ici
Bonjour
J’écris depuis très longtemps des histoires déjantées de Cendrillon, La Belle au bois dormant, entre autres.
J’ai une centaine de petites histoires, qu’il faudra que je mette à la frappe. J’écris mon quatrième roman policier, à suspens.
Bonjour, bravo pour votre productivité 🙂
Je rêve depuis quelques temps d’écrire une réécriture de conte ! (J’ai lu ton roman cette été et vu le magnifique film « Belle » de Mamoru Hosoda, me donnant encore plus envie de démarrer ce projet…). Je crois que dès que j’aurais fini mon roman, je m’essaierais à la réécriture d’un conte…
Et sinon, super article comme d’habitude !
Merci beaucoup Rêve, hâte d’en savoir plus sur ton projet !
Super ! Comme tous tes articles ! Je suis jeune et j’aime écrire mais peu de mes amis partagent mon opinion.Et voila que je tombe sur un super blog!Je suis plutot enquêtes policières et l’article était hyper intéressant!!Celui la aussi car j’aime beaucoup les livres de contes (jeunesse) comme Le Pays Des Contes ou L’école du Bien et du Mal.
Mon roman avance grâce a toi!
Mercii