Écriture

Écrire une scène de combat

06/09/2021

Les scènes de combat font partie des passages délicats à écrire, quand on travaille sur un roman. Mal gérées, elles deviennent ennuyeuses … et le lecteur les parcourt en diagonale pour passer plus vite à la suite. Alors que, si on s’y prend bien, leur lecture peut être réellement passionnante !

Après tout, quoi de plus captivant qu’un combat rythmé, vivant et réaliste, dont l’enjeu est crucial pour les personnages ?

Si vous voulez vous frotter à l’exercice, voici 7 règles pour écrire de bonnes scènes de combat ⚔️

1. Donnez un sens à la scène de combat

Avant tout, évitez la violence gratuite ! Les effusions de sang et autres bruits d’os brisés ne doivent être présents que s’ils servent l’action. Par exemple, ils peuvent renseigner sur l’état critique d’un personnage, ou sur le caractère violent d’un autre. Mais évitez le bain de sang injustifié.

De manière plus générale, demandez-vous en quoi cette scène de combat sert l’histoire. Change-t-elle le cours de l’intrigue ? Apporte-t-elle du suspens ? Révèle-t-elle la personnalité profonde du héros ? Montre-t-elle la loyauté ou au contraire la sournoiserie d’un personnage secondaire ?

Bref, la scène de combat doit avoir du sens dans votre roman.

✍️ Définir son enjeu avant de l’écrire vous permettra d’orienter la manière dont vous pouvez la présenter pour renforcer son impact émotionnel sur le lecteur.

2. Travaillez son réalisme

Rien n’est pire qu’une scène de combat en carton-pâte, qui semble sortie d’un cartoon …

Pour que la sauce prenne, il faut veiller à sa crédibilité. Cela passe par un souci de réalisme et de cohérence concernant :

  • La puissance de vos personnages. Si votre héros ne sait pas se battre depuis le début de l’histoire, évitez de le transformer en badass lors de votre scène de combat … Sauf cas particulier (comme le super-héros qui découvre ses pouvoirs à l’occasion d’une bagarre), savoir se battre est le fruit d’un apprentissage de plusieurs années. On ne se réveille pas un beau matin en sachant manier l’épée ou en maîtrisant des prises de judo.
  • L’état physique et émotionnel de vos personnages. Gardez en tête que les blessures, le stress et la fatigue peuvent amoindrir les capacités des combattants. À l’inverse, certaines émotions (comme le désir de sauver un proche) peuvent rendre les personnages plus teigneux ou téméraires.
  • Les conditions extérieures. Le combat se déroule-t-il sur un sol ferme, glissant, accidenté, montagneux ? Fait-il jour ou nuit ? Quelles sont les conditions météorologiques (pluie, tempête, neige, canicule …) ? Les combattants ont-ils l’habitude de se battre dans de telles conditions, ou est-ce nouveau, et donc particulièrement inconfortable ? Ce genre de détails peut favoriser la victoire de l’un ou de l’autre des protagonistes.
  • Les armes. Pensez à accorder l’équipement de vos personnages avec l’univers de votre récit. Un roman médiéval fantastique ne présentera pas les mêmes armes qu’un récit de science-fiction … Pour veiller au réalisme de votre scène de combat, pensez aussi aux spécificités de ces armes et à la manière dont elles influencent l’issue du combat. Mine de rien, une bonne arme peut faire toute la différence entre deux ennemis de niveau équivalent.

📚 Je me souviens d’une scène de combat du Trône de Fer (George R.R. Martin) [SPOIL] où Bronn l’emporte parce que son adversaire porte une armure extrêmement lourde. Bien que plus exposé aux coups, Bronn est plus libre de ses mouvements et parvient à le prendre de vitesse pour sortir vainqueur. Lors de la scène, l’auteur insiste d’ailleurs sur la lenteur du combattant à l’armure, qui fatigue sous le poids de son attirail.

3. Choisissez ce que vous montrez

Lorsqu’on écrit une scène de combat, il faut savoir doser ce qu’on montre et ce sur quoi on fait l’impasse.

La description des moindres faits et gestes de vos combattants ressemblerait à une longue liste indigeste et monotone, ce qui ennuierait vos lecteurs à coup sûr. D’où l’intérêt de passer certaines actions sous silence, pour mieux mettre d’autres en lumière !

En revanche, mettez le paquet sur ce que vous choisissez de montrer. Pour ces passages, appliquez le principe du « Show don’t tell » : soyez visuel et descriptif.

Votre combat est trop rapide pour en saisir les détails ? Qu’à cela ne tienne : imaginez-le au ralenti, découpez-en les différentes séquences dans votre tête pour le retranscrire avec précision.

✍️ Adoptez une vision claire et chronologique du déroulé de la scène. Un combat nécessite d’être fluide et facile à comprendre pour ne pas casser le rythme de la lecture.

4. Adoptez le champ lexical du combat

Une bonne scène de combat nécessite de la précision.

Faites quelques recherches si nécessaire, mais nommez les armes par leur appellation exacte. Un glaive et une rapière sont tous les deux des épées, mais ils n’ont pas la même forme ni la même puissance, et n’étaient pas employés à la même époque ni dans le même contexte.

Même si le lecteur ne connaît pas encore ce vocabulaire, cela colorera votre roman d’une touche de réalisme et enrichira l’épaisseur de votre univers.

Lors de votre scène de combat, utilisez des termes visuels, qui donnent au lecteur l’impression de voir un film se dérouler sous ses yeux. Et bannissez les verbes mous, choisissez toujours les plus saisissants.

✍️ Détaillez ce dont vous parlez. On n’écrit pas : « Hubert lâche prise » mais « Son sabre cède sous la pression de la lame de son adversaire ».

À lire aussi : Show don’t tell : le secret pour rendre un roman vivant

5. Accélérez le rythme

Laissez de côté les descriptions de paysages et les questionnements existentiels … Une scène de combat ramène les personnages à leur instinct primaire : la survie.

Calquez le rythme de votre texte à celui de cette scène empreinte d’action et de mouvement. Favorisez les phrases courtes et nerveuses. Elles traduisent la rapidité et l’urgence, elles sont l’incarnation du rythme haletant que sont en train de vivre les personnages qui se battent.

💡 Notons d’ailleurs que les phrases courtes favorisent une lecture fluide du récit, ce qui répond au besoin du lecteur de tourner rapidement les pages pour savoir ce qui va se passer.

6. Insufflez de la vie à la scène de combat

Pour impliquer le lecteur dans votre scène d’action, faites-lui ressentir ce que vit votre personnage au niveau le plus viscéral.

Ne vous contentez pas d’une description visuelle : tous les sens comptent. Évoquez l’odeur de la poudre à canon, le bruit assourdissant des épées qui s’entrechoquent, la sensation d’une blessure, le goût du sang dans la bouche … Bref, faites vivre physiquement le combat à votre lecteur.

Vous pouvez aussi incarner le vécu du combat à travers le ressenti émotionnel du personnage. Retranscrivez ses réactions dans ce qu’elles ont de singulier et de personnel.

La vie est dans le mouvement : faites danser les combattants avec leurs armes, esquiver les coups au dernier moment, tenter des attaques audacieuses …

✍️ Écrivez à la voix active pour que votre scène de combat soit la plus dynamique possible.

7. Mettez vos personnages en danger

Pour faire battre le cœur de votre lecteur, ajoutez de l’enjeu à votre scène de combat !

Que votre personnage a-t-il à perdre s’il échoue à ce combat ? Sa vie ? Celle d’un proche ? Son honneur ?

Insistez sur cet enjeu et sur ce qu’il représente aux yeux du personnage, afin de rendre le combat poignant.

Évitez les combats gagnés d’avance, d’un côté comme de l’autre. Jouez avec les nerfs de votre lecteur en plaçant l’avantage successivement sur l’un des combattants, puis sur l’autre. Votre héros doit tantôt risquer de perdre la vie, tantôt être à deux doigts de l’emporter … Puis retournez la situation et semez à nouveau l’incertitude.

📚 Dans Le Trône de Fer (George R.R. Martin) [SPOIL], le combat opposant Oberyn Martell à Gregor Clegane joue habilement avec nos nerfs. Alors qu’Oberyn va l’emporter, et n’a plus qu’à achever son adversaire, il ne peut s’empêcher de faire durer l’agonie de celui-ci, qui a assassiné sa sœur des années auparavant. Hélas, Gregor en profite pour retourner la situation, et, dans un dernier sursaut, parvient à le tuer.

✏️ EXERCICE

Voici un extrait d’une scène de combat issue du Sorceleur (Andrzej Sapkowski). Analysez-la pour repérer les ressorts qui en font un passage vivant et haletant.

« Geralt fit un bond en arrière et une brusque volte-face, la strige le frôla en lacérant l’air de ses griffes. Elle ne perdit pas l’équilibre et repartit immédiatement à l’attaque en faisant demi-tour. Ses dents claquèrent juste devant la poitrine de Geralt. Le Riv fit un bond dans l’autre sens, opéra trois tours sur lui-même en vrombissant, pour désorienter la strige. En faisant un bond en arrière, il lui assena sur le côté de la tête un coup sans élan mais puissant, avec les pointes en argent fichées dans son gant au niveau des jointures.”

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  • Enirtourenef le 12/09/2021 à 16 h 48 min

    Ah ! Tiens ! Je pense que je me suis raté dans ma dernière scène de combat… pas sûre que l’envie de mon personnage d’en sauver un autre rattrape le fait qu’elle a ses règles et qu’elle a un peu mal… va falloir agrémenter tout ça de frappes ratées… Mais en même temps elle a aussi l’avantage d’être bien positionnée par rapport au soleil.

    Je dirais même plus : calquer le rythme du récit à la scène doit être un truc auquel penser tout le temps et pas seulement sur les scènes de combat !

    • Charlotte le 13/09/2021 à 10 h 30 min

      Oui tout à fait 🙂

  • Judith le 13/09/2021 à 17 h 21 min

    Tiens, c’est vrai que j’ai toujours du mal avec les scènes de combats, surtout quand plusieurs personnes se battent en même temps. Je ne sais jamais trop quoi dire, qu’est ce qui sert et qu’est ce qui est inutile et surtout, comment décrire ce qui se passe vraiment, étant donné que je ne me suis jamais battu moi même (et oui, je suis une fille sage… non en vrai, on ne peut pas comparer, les personnages de romans ont des armes, de l’expérience et beaucoup de choses en jeu contrairement à la réalité)
    Ah sinon, a force de lire tes exemples du trône de fer, j’ai commencé à lire la série et c’est juste génial alors je voulais te remercier…

    • Charlotte le 13/09/2021 à 21 h 11 min

      Héhé je ne me suis jamais battue non plus 😉. Merci à toi pour ce message, je suis contente de t’avoir donné envie de lire cette super saga !