L’autre jour j’ai revu Fight Club, un film dont j’adore l’ambiance et la construction. Il y aurait plein de choses à en dire, ce qui m’a donné envie de vous faire un petit article sur les leçons d’écriture à tirer de ce film culte.
Avant tout, je tiens à vous préciser qu’il va y avoir du spoil dans cet article. Si vous n’avez pas encore vu ce long métrage, passez votre chemin (et revenez me voir ensuite !).
Vous voilà prévenus 🙂
Fight Club raconte l’histoire d’un trentenaire dont la vie bien tranquille bascule quand il fait une crise existentielle et qu’il rencontre Tyler, un inconnu aussi instable que charismatique. Fasciné par lui, le jeune homme va tout quitter pour le suivre dans son quotidien diamétralement opposé à tout ce qui faisait sa vie jusque-là …
Alors, quels conseils d’écriture pouvons-nous tirer de ce film ?
Débuter par un flashforward
Fight Club commence avec une situation désespérée pour le héros, puisqu’il est gravement blessé et a le canon d’une arme à feu braqué dans la bouche. Le film opère ensuite un retour en arrière pour nous montrer comment il en est arrivé là.
Ce procédé s’appelle flashforward (ou prolepse). Il consiste à révéler, au tout début d’une fiction, des faits qui se produiront bien plus tard dans l’intrigue. Et ensuite à dérouler toute l’histoire jusqu’à ce moment clé.
Le film nous donne donc un aperçu de son climax dès les premières minutes. Cela insuffle un rythme particulier à l’histoire, tout en nous plongeant directement dans le suspense, puisqu’on se demande à la fois comment le personnage s’est mis dans cette situation, et s’il va s’en sortir.
💡 Notons que la scène montrée est assez vague pour intriguer sans spoiler.
✍️ On peut aussi utiliser la prolepse dans l’écriture de nos romans ! J’en ai déjà rencontré plusieurs dans mes lectures (comme dans Eleanor & Park de Rainbow Rowell). La première page est ainsi un extrait du climax, et ensuite on revient en arrière grâce à la voix du héros qui veut nous expliquer ce qui s’est passé avant. C’est donc le même principe que dans Fight Club. Le flashforward est une bonne manière d’instaurer le suspense, mais il faut veiller à rester assez flou sur ce que l’on dévoile pour attiser la curiosité sans gâcher la fin.
Parfois, Tyler parlait pour moi.
Glisser des indices subtils
Fight Club est le genre de film dont le génie repose sur la révélation finale (⚠️ spoil⚠️) : On découvre que Tyler n’est qu’une projection de l’esprit perturbé du héros, qui agit seul depuis le début.
Ce retournement de situation nous stupéfie et nous fait voir toute l’histoire sous un autre angle. On aime d’ailleurs regarder le film plusieurs fois : la première pour se laisser surprendre, et les suivantes pour redécouvrir l’histoire à la lumière de l’élément clé dont on a pris conscience. On se demande alors comment on a pu se laisser berner, tant les indices sont nombreux.
Par exemple, dès les premières minutes du film, le héros consulte un médecin pour ses insomnies. Il lui confie qu’il se réveille n’importe où, sans se rappeler s’y être endormi … Ce détail pourrait nous mettre la puce à l’oreille, et pourtant, on glisse dessus sans s’en rendre compte, car le médecin le prend à la légère, et on en conclut comme lui que le personnage exagère.
Tout au long du film, les paroles du héros sont équivoques et pourraient nous faire comprendre ce qui se trame : « Je le sais parce que Tyler le sait », « Parfois, Tyler parlait pour moi » … Mais l’ambiguïté de ces propos nous fait plutôt penser à la relation fusionnelle entre les deux personnages, et on passe à côté de ce qu’ils signifient vraiment.
💡 L’impact de la révélation finale réside dans la subtilité de ces signes. Ils sont disséminés un peu partout, mais présentent différents niveaux de sens qui nous induisent en erreur.
✍️ Cet effet peut être appliqué dans l’écriture d’un roman, notamment s’il s’agit d’un thriller (mais pas que!). Pour que le retournement de situation fonctionne, il doit être annoncé par des indices, suffisamment nombreux pour faire sens à la fin, mais assez subtils pour qu’on ne devine rien à l’avance. Ce dosage crée le fameux effet sidérant qu’on aime tant dans les bons twists. On est abasourdi et en même temps, on se rend compte qu’il n’aurait pu en être autrement.
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Les choses que l’on possède finissent par nous posséder.
Utiliser la symbolique des lieux
Fight Club met en scène un énorme contraste entre les deux habitations occupées par le héros.
La première, au tout début du film, est un appartement présentant tout le confort moderne. Le protagoniste nourrit une certaine obsession pour les meubles et accessoires neufs. Il les achète de manière compulsive pour avoir l’impression de vivre dans un intérieur parfait, sans jamais en être totalement satisfait …
La deuxième habitation du héros, celle qu’il occupe pendant la majeure partie du film, est une maison ancienne et insalubre, qui tombe en lambeaux. Il choisit sciemment d’y vivre après l’explosion de son appartement, alors qu’il aurait les moyens de trouver mieux.
L’opposition entre ces lieux de vie est le symbole d’une thématique forte du film : le rejet du consumérisme. Dans l’appartement du début, le héros accumule les possessions pour combler son vide intérieur, en vain. L’installation dans la maison délabrée représente son refus de la société de consommation (avec l’explosion du premier appartement comme symbole fort de ce point de rupture).
💡 Mais ces lieux sont aussi une métaphore de l’état intérieur du personnage, puisque le héros passe d’une posture très lisse (appartement trop parfait) à un mental perturbé (maison ravagée). Cette notion de contraste entre les deux états du héros est d’ailleurs à l’origine de la dissociation du personnage (l’employé modèle VS le terroriste survolté).
✍️ En tant qu’auteurs, nous pouvons aussi symboliser les thèmes de notre roman ou les émotions de nos personnages grâce au cadre dans lequel ils évoluent. Cela peut aller du simple détail (un papier peint qui s’effrite dans la maison d’un couple qui se sépare) à un paysage complet (une forêt dense pour symboliser un secret que tente de percer un personnage). Citons par exemple la lande brumeuse et tempétueuse des Hauts de Hurle Vent (Emily Brontë) qui reflète les émotions violentes d’Heathcliff.
Et voilà pour ce nouvel article de conseils d’écriture !
J’adore tes articles ♡
Merci ♡
Bravo, c’est toujours aussi intéressant, instructif et limpide.
Oh merci beaucoup !