Préparez-vous un thé ou un café ☕, je vais vous parler d’un ressort narratif que je trouve fascinant : le symbolisme. Il ne va pas être question du mouvement littéraire du même nom, mais de la façon dont on peut exploiter les symboles dans son roman, quel que soit son genre, pour lui apporter de la profondeur.
💡 Qu’est-ce que j’entends par symbole ? Je veux parler d’un motif – au sens large – que l’on utilise pour évoquer un thème ou une idée plus vaste, quelque chose de plus profond et abstrait.
Imaginons : vous voulez mettre en scène un personnage qui doit affronter son côté sombre pour évoluer vers la lumière. Pourquoi ne pas situer le moment clé de son changement dans une caverne ? En effet, ce lieu symbolise le moi profond, le cheminement dans les méandres de l’inconscient. Ce décor symbolique fera écho à la situation interne du personnage, il amplifiera son impact et l’émotion qui en découle.
Utiliser des symboles dans son roman, c’est donc faire appel à des métaphores pour glisser des messages ou soutenir des idées. C’est apporter une nouvelle dimension à son texte, une deuxième lecture, un sens caché sous le sens premier … Ainsi, la symbolique offre plusieurs niveaux de lecture. Elle apporte une grande richesse au récit !
Le symbole, un jeu de perception
Dans un roman, un symbole peut agir sur le lecteur de manière inconsciente. Semblable à une image subliminale, il lui laisse une impression, ou provoque en lui une émotion, sans qu’il en perçoive clairement la source. Quoi qu’il en soit, cela oriente forcément la manière dont il reçoit le texte …
Bien sûr, la symbolique peut aussi être clairement perceptible, notamment par les lecteurs expérimentés. Certains adorent déceler des symboles dans un texte pour en découvrir la substantifique moelle ! Ainsi, ceux qui y prêtent attention la décoderont tandis que d’autres passeront à côté.
Parfois, ce jeu de double sens échappe à l’auteur lui-même, qui n’est pas forcément conscient des symboles véhiculés par son texte, tandis que le lecteur, lui, les capte. Ainsi, le symbolisme repose autant sur une démarche volontaire de l’auteur que sur l’interprétation ultérieure du lecteur (parfois subjective et extrapolée, mais néanmoins décisive dans l’impression que lui laisse le roman !)
Le potentiel symbolique des noms
Le symbolisme n’est pas forcément réservé aux réflexions cryptiques. Il se cache partout, et il y a fort à parier que vous en faites déjà usage. Par exemple, n’avez-vous jamais choisi un nom symbolique pour l’un de vos personnages ?
Ce ressort narratif peut être évident, à l’instar du roman La Horde du Contrevent, où le chef du groupe se nomme Golgoth. Comme l’évoque son nom, c’est un personnage brutal et puissant.
Mais le symbole peut se faire plus abstrait … Ainsi, Cécile signifie « aveugle » en latin. Dans Les liaisons dangereuses, Cécile de Volanges est justement un personnage de jeune fille naïve, qui ne voit rien venir de la manipulation dont elle est victime …
Les lieux et leurs symboles
L’environnement dans lequel les personnages évoluent peut symboliser leurs émotions, pour mieux les renforcer. Ainsi, le décor a un double sens, et, au-delà d’un simple cadre, il devient le miroir des mouvements intérieurs des héros.
C’est le cas des Hauts de Hurlevent, œuvre mythique dont le cadre est si marquant qu’il a donné son nom au roman. L’histoire se déroule dans une lande brumeuse balayée par des vents violents. Ce cadre hostile symbolise la relation tumultueuse entre Cathy et Heathcliff, puis la vengeance furieuse de ce dernier et la souffrance qui en découle.
✍️ Introduire un motif symbolique et le répéter dans le récit, en plus de souligner le thème du roman, peut instaurer une ambiance spécifique, ce qui est le cas dans Les Hauts de Hurlevent. Le symbole du décor tourmenté déploie une atmosphère qui l’est tout autant, et qui fait la signature du classique d’Emily Brontë.
Le symbolisme au service du thème
Le thème central d’un roman est d’autant plus fort qu’il infuse le texte de bout en bout, apparaissant régulièrement sous forme de symboles.
Dans Roméo et Juliette, le thème de la mort est omniprésent. Il se retrouve dans le vocabulaire employé par les héros, préfigurant leur fin tragique. Cet effet nimbe la pièce de Shakespeare d’une ambiance poétique et funeste.
« JULIETTE : Ami, je le voudrais aussi, mais je te tuerais à force de caresses. Bonne nuit ! bonne nuit ! Si douce est la tristesse de nos adieux que je te dirais : bonne nuit ! jusqu’à ce qu’il soit jour. »
Un procédé à utiliser subtilement
Comme pour tout ce qui touche à l’écriture, le symbolisme nécessite de rester subtil pour être efficace. N’utilisez pas de ficelles trop énormes, et variez les types de représentations, sans trop en faire.
Par exemple, il est toujours intéressant d’utiliser les conditions météorologiques pour symboliser les émotions du récit (un orage qui éclate lors du climax, une journée ensoleillée pour magnifier une fin heureuse, etc). Mais n’abusez pas de ce motif symbolique !
Cherchez l’originalité en mettant l’accent sur les subtilités du décor. Par exemple, sans un roman, un papier peint qui s’effrite dans la chambre d’un couple qui se sépare aura autant de portée que la pluie ruisselant à la fenêtre.
Sans décrire l’environnement de votre roman dans ses moindres détails, insistez sur certains points marquants pour déployer une ambiance symbolique.
✍️ La symbolique peut aussi se cacher dans les couleurs dominantes d’une scène. Ainsi, le bleu peut évoquer la tristesse, alors que le jaune, au contraire, incarne la joie.
📚 Concrètement, comment exploiter les symboles dans votre roman ?
Terminons cet article avec les conseils avisés de Stephen King, qui nous fait part de sa manière de travailler le symbolisme dans ses romans. L’auteur américain nous conseille d’écrire un premier jet rapide, sous l’impulsion de l’élan créatif, et de nous pencher sur la portée symbolique de notre roman en phase de réécriture.
Il suggère alors de chercher les éléments symboliques que nous avons glissés inconsciemment dans le texte, et de les accentuer dans une version retravaillée du roman.
« Je retourne à la première page, relis ce que j’ai écrit et cherche les motifs sous-jacents. Si j’en découvre, comme c’est presque toujours le cas, je peux les élaborer davantage dans une deuxième version de l’histoire, plus aboutie. »
Stephen King nous raconte aussi comment, à la relecture de sa première version de Carrie, il s’est rendu compte que le sang tenait une place particulière dans son histoire. Dans sa réécriture du texte, il a particulièrement retravaillé ce symbole.
« Le symbolisme peut servir de catalyseur entre vous et votre lecteur, aider à créer un texte plus unifié, plus agréable. Je crois que, lorsqu’on relit son manuscrit, on voit s’il comporte un potentiel symbolique. Il faut y aller. Le mettre en valeur. Ce serait trop bête de ne pas en profiter. »
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Je ne joue pas trop consciemment avec les symboles des personnages, sauf avec les prénoms. Pour le reste, c’est mon inconscient qui gère (en fait, c’est vrai pour la plupart des « strates » de l’écriture, de l’intrigue aux personnages en passant par l’univers).
Oui je pense aussi que nos inconscients s’expriment à travers nos textes (notamment à travers nos thèmes et symboles récurrents)