Écriture

Comment écrire l’humour ?

14/02/2022

Aujourd’hui j’aborde un thème délicat à cerner : nous allons parler de l’humour dans l’écriture d’un roman.

Pourquoi délicat ? Parce que l’humour est difficile à saisir et même à définir. Et pour cause, tout le monde n’a pas le même. Le sens de l’humour varie selon la personnalité, la communauté, ou même la société à laquelle on appartient …

Il faut donc savoir que l’on ne peut pas faire rire tout le monde, et ce n’est pas grave !

En revanche, je pense qu’écrire des scènes ou des dialogues amusants n’est pas forcément un don inné. Certes, certains y sont plus enclins que d’autres … mais, comme beaucoup de choses, cela se travaille 😉

Voilà qui nous amène à mon premier point, si vous voulez écrire l’humour :

Utilisez l’humour qui vous fait rire

Cela semble évident, mais autant le rappeler : pour écrire un passage drôle, il faut avant tout qu’il vous fasse sourire vous-même. C’est l’occasion de vous questionner sur les types d’humour qui vous amusent. La prochaine fois qu’une scène vous fait rire, essayez donc d’en décortiquer les mécanismes. Avec la pratique, vous finirez par les appliquer à vos propres textes tout en développant votre patte.

📚 Comme d’habitude, je vais vous conseiller de lire beaucoup ! En l’occurrence, pour apprendre à écrire avec humour, plongez-vous dans des romans au ton drôle. Vous pouvez aussi regarder des séries ou des films humoristiques (enfin, qui vous font rire vous). Et toujours avec un carnet à la main pour prendre des notes.

Instaurez un équilibre

Tout est une question de dosage. Pour que l’humour arrive à point nommé dans votre roman, l’idéal est de trouver un équilibre entre scènes drôles et passages plus difficiles. Cela vous permettra d’écrire un récit équilibré : ni trop lourd, ni trop léger … En général, même les romans « feel good » présentent des thèmes difficiles, ce qui leur donne de la profondeur et de l’intérêt.

💡 Notons que l’on peut aussi faire intervenir l’humour pour détendre une atmosphère lourde : une touche de légèreté peut servir à faire baisser la tension dans une scène difficile. L’humour est aussi l’occasion de soulever des questionnements profonds, ou même douloureux, tout en prenant du recul.

Restez subtil pour être drôle

Écrire de manière amusante nécessite une recherche de subtilité. La frontière entre l’humour drôle et l’humour douteux est fragile … D’où la nécessité de bien travailler sur les aspects humoristiques de votre texte. Et, surtout, ne cherchez pas à trop en faire en casant des blagues à toutes les pages : c’est le meilleur moyen d’être maladroit.

✍️ Avez-vous remarqué qu’une blague racontée à l’oral est drôle (ou pas) en fonction de la façon dont elle est formulée ? C’est pareil à l’écrit. La construction de la phrase, son rythme et sa ponctuation peuvent tout changer. Tout comme le choix des mots. Eh oui, l’humour se cache dans les détails !

Différenciez narrateur et personnage

Demandez-vous si vous voulez apporter de l’humour au ton de votre narrateur, et donc à l’entièreté de votre roman, ou juste à certains personnages de l’histoire. Dans le premier cas, l’humour infusera tout votre texte, dans le second, seulement les répliques des personnages en question. Bien sûr, parfois, narrateur et héros ne forment qu’une seule et même personne …

🧐 Il est important de réfléchir à cette distinction pour éviter l’écueil de l’humour agressif et blessant. Discréditer certaines catégories de personnes ou tout simplement se moquer méchamment des faiblesses de quelqu’un, est à éviter dans le cadre de la narration. En revanche, ce genre d’humour douteux peut être appliqué à l’un de vos personnages, justement pour dénoncer son comportement.

À lire aussi : L’importance des détails dans l’écriture d’un roman

Quelques ressorts humoristiques

Voici à présent certains grands types d’humour, dont vous pouvez vous inspirer pour donner un ton drôle à votre plume. Il ne s’agit pas d’une liste académique et encore moins exhaustive, mais d’une petite revue personnelle des mécanismes qui ont tendance à m’amuser quand je les rencontre dans un texte …

La satire sociale

Cette forme d’humour dénonce les travers des individus ou de la société. On les caricature, on les imite en soulignant copieusement leurs défauts. Comme dans Harry Potter à l’école des sorciers, où J.K. Rowling parodie la classe moyenne anglaise :

« Mr et Mrs Dursley, qui habitaient au 4, Privet Drive, avaient toujours affirmé avec la plus grande fierté qu’ils étaient parfaitement normaux, merci pour eux. (…) Mrs Dursley était mince et blonde et disposait d’un cou deux fois plus long que la moyenne, ce qui lui était fort utile pour espionner ses voisins, en regardant par-dessus les clôtures des jardins. »

L’humour noir

Cet humour dénonce l’absurdité et la cruauté du monde. Il s’exerce à propos des situations graves, voire macabres. Il est choquant et frappe fort mais d’une manière détachée, pour faire sourire tout en amorçant une réflexion. Pour illustrer l’humour noir, on peut parler de Nos étoiles contraires de John Green, roman qui aborde le cancer des adolescents. Pour adoucir la dureté de leur situation, les personnages utilisent l’humour et notamment le noir, comme dans cet échange de paroles :

« – Augustus, peut-être aimerais-tu partager tes peurs avec le groupe ?
– Mes peurs ?
– Oui.
– J’ai peur de l’oubli, a-t-il répondu sans attendre. J’en ai peur comme un aveugle que je connais a peur du noir.
– Futur aveugle, a précisé Isaac avec une ébauche de sourire.
– Tu me trouves insensible ? a demandé Augustus. C’est vrai qu’il m’arrive d’être aveugle aux sentiments des autres.
Isaac s’est bidonné, mais Patrick a levé un doigt réprobateur. »

À lire aussi : Utiliser les figures de style pour imager son roman

L’ironie

Il s’agit de dire le contraire de ce que l’on pense, dans un but humoristique. Pour donner un exemple de ce type d’humour, voici les premiers mots du Prince des Fous (Mark Lawrence), roman fantasy au ton drôle et décalé :

« Je suis un menteur, un tricheur et un lâche, mais jamais, au grand jamais, je ne laisserais un ami en fâcheuse posture. Sauf, bien sûr, si cela exige de ma part honnêteté, franc-jeu ou bravoure. »

Notons que l’humour ravageur de ce livre tient au ton du narrateur/personnage, qui pratique sans cesse l’auto-dérision avec flegme et ironie. Les différents types d’humour peuvent ainsi se mélanger et s’entrecroiser pour un résultat d’autant plus truculent !

L’exagération

Dans les romans, la démesure est souvent utilisée pour faire sourire, notamment grâce à des images cocasses. C’est le cas de la description de la mère d’Ophélie dans La Passe-Miroir (Christelle Dabos), présentée comme une femme excessive et écrasante :

« Un violent appel d’air souffla dans les robes d’Ophélie. Chignon défait et front luisant, sa mère venait de faire irruption dans la chambre comme une tornade. (…) Elle sortit un poudrier de son corsage, se tamponna un nuage rose sur le nez, rembobina son chignon blond-roux d’une main experte et pointa son ongle rouge vers Ophélie.
– Je te veux présentable avant le prochain coup de l’horloge.»

Le décalage

On associe des éléments de manière surprenante, à des fins comiques. Comme dans le tome 14 du Trône de Fer (George R.R. Martin) où Tyrion, noble en fuite à l’autre bout du monde, se retrouve réduit en esclavage et doit participer à des spectacles de nains particulièrement humiliants. Rien de drôle à cela … jusqu’à ce que Tyrion apparaisse avec un déguisement grotesque, à dos de truie, et fasse lui-même le rapprochement avec son frère, le beau et majestueux Jaime Lannister, montant son fier destrier.

« L’armure de bois peint s’entrechoquait pendant que Jolie traversait le pont en trottinant. Tyrion avait les aisselles qui le démangeaient à cause de la transpiration, et une perle de sueur roulait le long de la cicatrice sous le heaume disproportionné qui ne lui allait pas ; et pourtant, l’espace d’un instant absurde, il se prit presque pour Jaime, s’élançant sur une lice de tournoi, la lance en main, son armure dorée étincelant au soleil. Quand les rires commencèrent, le rêve s’évanouit. Il n’était pas un champion, rien qu’un nain à califourchon sur un cochon. »

Notons que le narrateur de ce chapitre n’est autre que Tyrion : ce trait d’humour traduit la personnalité drôle du personnage, grand adepte du cynisme et de l’auto-dérision. D’ailleurs, c’est bien parce que la réflexion vient du personnage lui-même qu’elle est amusante (et pas blessante ou agressive).

Le décalage peut aussi se retrouver dans les duos de héros contrastés. Réunir deux personnages que tout oppose peut être très amusant. On aura même tendance à pousser leurs différences à l’extrême pour renforcer cet effet comique. Comme Geralt et Jaskier, les personnages du Sorceleur d’Andrzej Sapkowski. Alors que le premier est un chasseur de monstres taciturne et peu loquace, le deuxième est un barde fantaisiste, qui adore palabrer avec emphase.

À lire aussi : Écrire l’amitié dans un roman

L’auto-dérision

Le personnage du roman rit de sa propre personne pour amuser autrui. C’est souvent le signe d’une certaine force de caractère, puisqu’il assume ses défauts, mais aussi d’une prise de recul sur une réalité difficile pour mieux l’accepter. Citons Les Petites Reines, où Clémentine Beauvais met en scène l’auto-dérision et le détachement par l’humour de sa héroïne Mireille. Ce mécanisme permet à la jeune fille d’affronter le harcèlement scolaire dont elle est victime :

« Ça y est, les résultats sont tombés sur Facebook : je suis Boudin de Bronze. Perplexité. Après deux ans à être élue Boudin d’Or, moi qui me croyais indéboulonnable, j’avais tord. (…)
Notre cher ami Malo a posté des commentaires sous les photos des dix-huit filles en lice. Il m’a rendu hommage : « la compétition a été rude, mais Mireille Laplanche, quoi qu’il arrive, reste pour moi la reine absolue des Boudins. Ses grosses fesses gélatineuses, ses seins qui tombent, son menton en forme de patate et ses petits yeux de cochon resteront gravés dans nos mémoires pour l’éternité.»
Il y avait déjà plein de J’aime (78). J’ai ajouté le mien (79).»

Le jeu de mots

Ici, on manipule les mots ou leurs sonorités, notamment en jouant sur leurs ressemblances, dans un but esthétique autant qu’humoristique. C’est un type d’humour assez subtil, qui nécessitera une certaine finesse pour faire son petit effet ! Terminons sur ce thème avec un petit extrait issu de Songe à la douceur de Clémentine Beauvais, joli et singulier roman en vers :

« Eugène, à dix-sept ans, a tout compris sur tout :
Et comme tout est rien, il ne fait rien du tout. »

Et voilà pour cette chronique sur l’humour dans l’écriture d’un roman … J’espère qu’elle vous servira de piste de réflexion, si vous voulez développer le ton amusant de votre plume et vous servir de l’humour pour aborder des thèmes plus profonds 😉

Liens de partage

Vous pourriez aussi aimer

  • Judith le 14/02/2022 à 19 h 54 min

    Je me rappelle avant, il m’arrivait de me mettre à rire subitement en lisant un passage de roman (pas forcément drôle en plus, mais avec une réplique qui tombait juste) et mon père qui passait à côté de ma chambre à ce moment là se fichait de moi… Maintenant, je souris juste (quoique, après réflexion je suis pas sure, mon père a juste arrêté de faire des commentaires LOL)
    Mais je suis hyper réceptive à la lecture (je suis capable de trembler de peur en lisant un passage, d’oublier de respirer tellement j’ai le cœur serré à un moment, de tomber amoureuse (pour de vrai) d’un personnage…) donc je sais pas si c’est l’humour qui est bien amené dans le livre ou juste moi qui vit trop intensément ce que je lis…
    Et on me dit aussi que j’ai un humour bizarre alors je crois que je vais pas trop tenter d’insérer des véritables touches d’humour dans mon roman…

    • Charlotte le 19/02/2022 à 10 h 19 min

      Je suis sûre que tu te juges trop durement 😉. Et c’est bien de vivre intensément ce qu’on lit, ça fait partie du plaisir de la lecture d’être emporté par les émotions des personnages !

  • Liadan le 10/04/2022 à 4 h 37 min

    C’est dommage parce que je suis capable d’être spontanément drôle dans la vraie vie ou en écrivant des fanfictions pour coller aux univers préexistants, mais dans mes propres histoires, je suis incapable d’en faire 😮

    • Charlotte le 11/04/2022 à 11 h 14 min

      Hihi c’est souvent ça ! Je ressens un peu la même chose, mais au final c’est sans doute des blocages qu’on se met, il faudrait peut-être juste essayer ^^.

      • Liadan le 13/04/2022 à 0 h 32 min

        Peut-être, mais je sais pas comment XD