La puissance des motifs dans un roman

Qu’est-ce qu’un motif de roman ?

Dans l’écriture d’un roman, un motif est un élément récurrent (une image, une situation, un objet, etc.) qui revient plusieurs fois au fil du récit.

Il ne faut pas le confondre avec le thème, qui représente le sujet général du roman. En revanche, le motif peut illustrer ou soutenir ce thème !

L’intérêt du motif est donc de renforcer la force symbolique d’une histoire, mais aussi de créer une cohérence narrative, de suggérer un sens plus profond, et même d’en apporter une illustration poétique.

On peut reconnaître un motif à ses caractéristiques :

• Il revient à différents moments du récit.
• Il peut être concret (une chanson, un objet, une couleur) ou abstrait (le silence, l’attente, le doute).
• Il agit de manière subtile (ou même inconsciente) sur la perception du lecteur.

Comment développer un motif dans votre récit ?

Vous aussi, utilisez des motifs dans l’écriture de votre roman pour développer sa symbolique.

Voici quelques conseils pour y parvenir :

Choisissez un motif lié à votre thème

Un motif doit résonner avec le thème central de votre roman. Il ne s’agit pas d’ajouter un symbole au hasard, mais d’en choisir un qui crée un fil rouge émotionnel. Par exemple, le thème de la liberté sera véhiculé par des oiseaux, du vent ou des portes ouvertes.

✍️ Faites une liste d’objets, d’images ou de sensations liés à votre thème, choisissez les motifs les plus cohérents avec votre univers et intégrez-les subtilement à votre texte.

Répétez votre motif avec des variations

Un bon motif n’est jamais lassant car il évolue avec le personnage. Chaque réapparition doit lui donner une signification différente selon le stade où en est le héros (même ici, l’arc du personnage s’exprime ! En savoir plus sur mon guide à ce sujet ici).

✍️ Si ce n’est pas déjà fait, mettez à plat l’évolution de votre personnage sur papier, et faites coïncider les variations du motif avec cette courbe.

Restez subtil et suggestif

Un motif est puissant quand il est suggéré, pas expliqué lourdement. Parfois, il est même plus impactant quand on n’en discerne pas vraiment le sens, mais qu’il créé à la lecture une impression, une sensation. Parsemez-en votre récit de manière naturelle et subtile.

✍️ Les motifs ne sont pas seulement visuels : ils peuvent être olfactifs, sonores, tactiles ou gustatifs. Le parfum d’une fleur, le bruit d’un train, une musique, seront tout aussi marquants et parfois plus subtils.

💡 Au secours, je ne connais pas mes thèmes !

Pas de panique, beaucoup d’auteurs écrivent intuitivement, sans savoir quels sont les thèmes de leur roman. Si cela peut vous rassurer, sachez que c’est aussi le cas de Stephen King.

Dans son essai Ecriture, mémoires d’un métier, l’auteur nous conseille même d’écrire un premier jet sous l’impulsion de l’élan créatif, et de nous pencher sur la portée symbolique de notre roman en phase de réécriture. Il suggère alors de chercher les motifs que nous avons glissés inconsciemment dans le texte, et de les accentuer dans une version retravaillée du roman.

« Je retourne à la première page, relis ce que j’ai écrit et cherche les motifs sous-jacents. Si j’en découvre, comme c’est presque toujours le cas, je peux les élaborer davantage dans une deuxième version de l’histoire, plus aboutie. »

Stephen King nous explique qu’à la relecture de sa première version de Carrie, il s’est rendu compte que le sang tenait une place particulière dans son histoire. Dans sa réécriture du texte, il a particulièrement retravaillé ce symbole.

« Le symbolisme peut servir de catalyseur entre vous et votre lecteur, aider à créer un texte plus unifié, plus agréable. Je crois que, lorsqu’on relit son manuscrit, on voit s’il comporte un potentiel symbolique. Il faut y aller. Le mettre en valeur. Ce serait trop bête de ne pas en profiter. »

Ainsi, le travail sur les motifs d’un roman peut s’effectuer lors du plan ou de la réécriture, selon vos préférences et votre manière naturelle de procéder.

Motif & roman : 3 œuvres à la loupe

Le sujet du motif est encore un peu flou pour vous ?

Je vous propose de l’éclaircir avec trois exemples littéraires très différents.

Rebecca de Daphné du Maurier

C’est l’un de mes classiques favoris, rappelez-vous, je lui ai même consacré un article ici.

Côté motifs, le chef-d’œuvre de Daphné du Maurier n’est pas en reste.

Parlons notamment des fleurs qui peuplent le récit, en particulier les rhododendrons rouges. Ces végétaux à la fois superbes et envahissants bordent l’allée de Manderley et vont jusqu’à envahir les vases, dans la maison. Ils symbolisent la présence écrasante et sensuelle de Rebecca, en comparaison avec la timidité et la transparence de l’héroïne.

On pourrait aussi parler des initiales omniprésentes de Rebecca (R. de W.) sur les objets, les lettres, les livres de comptes. Ce motif traduit la mémoire écrite et l’impossibilité d’effacer le passé. Il est d’autant plus marquant que l’héroïne, elle, ne nous donne jamais son prénom …

Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll

Le conte de Lewis Carroll regorge de symboles, tous plus intéressants les uns que les autres.

Commençons avec le thème du passage, illustré par des motifs comme la chute d’Alice dans le terrier du lapin, puis la traversée d’autres seuils (les portes, les miroirs, les clés). Ces motifs symbolisent l’entrée dans l’inconscient et la perte des repères avant la découverte de soi.

L’œuvre questionne aussi le thème du temps avec des motifs comme la montre à gousset que ne cesse de regarder le lapin blanc. Citons aussi le thé du Chapelier fou, où le temps s’est arrêté pour que ce soit toujours l’heure du thé. Ce motif exprime la rébellion contre la logique rationnelle du monde adulte.

Enfin, parlons du motif du miroir et du reflet. Alice est constamment confrontée à des versions déformées d’elle-même : elle se demande qui elle est, si elle a changé, si elle devient une autre. Ce motif illustre la crise d’identité, l’un des thèmes du roman.

Le seigneur des anneaux de J.R.R. Tolkien

Le motif de l’anneau symbolise le pouvoir et la corruption. Tous ceux qui le possèdent ou le convoitent sont peu à peu corrompus : Gollum, Boromir et même Frodon. Le fait qu’il soit circulaire (et donc infini) symbolise le cycle sans fin du désir de pouvoir. Ce motif revient constamment dans les dialogues, les rêves, les visions et les gestes des personnages.

Autre motif présent dans l’œuvre de Tolkien : la nature. Dans la saga, les forêts, rivières et plaines incarnent la force vitale et le souvenir d’un monde ancien non corrompu. Les Ents, gardiens des forêts, symbolisent cette sagesse lente et menacée. La dévastation d’Isengard et du Mordor montrent le contraste entre vie naturelle et destruction industrielle. Ce motif renforce la dimension écologique et spirituelle du texte.

Enfin, la dualité entre lumière et obscurité hante le texte. Ce motif symbolise le contraste entre le bien et le mal, en filigrane de tout le récit. Les apparitions lumineuses structurent tout le texte : la lumière d’Eärendil, la lueur de Galadriel, la clarté de l’aube face aux ténèbres du Mordor. Cette lumière représente la connaissance et l’espoir, tandis que l’ombre incarne l’ignorance et la corruption.

Et voilà pour cet article sur les motifs dans l’écriture d’un roman ! Est-ce un sujet que vous connaissiez ? Avez-vous des exemples issus d’autres œuvres ?