La question de l’originalité obsède beaucoup d’auteurs en herbe. Leur idée est-elle assez innovante pour mériter d’être écrite ?
Certains n’arrivent pas à se lancer, justement parce qu’ils attendent de trouver l’idée idéale, celle qui sort du lot et n’a jamais été lue nulle part … Quitte à repousser indéfiniment leur rêve d’écrire un roman.
À mon sens, la quête de l’idée parfaitement originale est illusoire. Pourquoi ? Parce que la plupart des idées ont déjà été écrites.
Et si elles ne l’ont pas été … On peut se demander pourquoi. Il n’existe aucun roman racontant les aventures d’une grenouille-garou à la conquête de l’espace. Ce serait donc, potentiellement, une idée très originale. Mériterait-elle pour autant d’être écrite ? À vous de voir !
BONNE IDÉE VERSUS IDÉE ORIGINALE
Les bonnes idées ne sont pas forcément les plus originales.
Avant Hunger Games, il y a avait déjà eu des histoires d’adolescents contraints de s’entretuer sous les directives d’un gouvernement tyrannique (Battle Royale). Et Harry Potter n’est pas le premier récit mettant en scène un orphelin soumis à une prophétie, loin de là !
Pourtant, ces deux histoires sont excellentes et uniques, chacune à leur manière. Leur singularité ne réside pas dans leurs thèmes, mais dans la manière dont elles ont été écrites.
Hunger Games n’est pas qu’une idée : c’est un page-turner haletant qui prend aux tripes, porté par une héroïne authentique et forte. Et Harry Potter n’est pas qu’un thème, c’est un univers à la richesse incroyable, ciselé dans les moindres détails.
L’UNICITÉ DE CHAQUE AUTEUR
Outre votre travail sur le texte, ce qui va rendre votre roman original, c’est le fait que vous l’écriviez, vous, et personne d’autre.
Nous ne sommes pas des IA mais des êtres humains. Nous avons tous une personnalité, un vécu et des valeurs qui nous sont propres. C’est parce qu’elle va passer par le prisme de votre intériorité que votre histoire sera unique. Elle sera imprégnée de qui vous êtes.
QUAND LES INSPIRATIONS S’EN MÊLENT
L’autre apport qui façonne nos romans, ce sont nos références. Autrement dit, les œuvres (livres, films, musiques …) que notre imaginaire a absorbées, et qu’il va digérer pour s’en servir dans ce qu’il va créer. Souvent, les bonnes idées , celles qui nous paraissent originales, sont en fait des croisements inattendus que fait notre cerveau entre plusieurs inspirations.
L’EXEMPLE DE LA PASSE-MIROIR
Voici un extrait de l’interview que j’ai fait de Christelle Dabos il y a quelques années :
« Mon frère a partagé mon enfance et donc mes références. C’est lui qui m’a fait remarquer que La Passe-Miroir était inspirée du Roi et l’oiseau, alors que j’avais complètement oublié ce dessin animé.
Au moment où il l’a dit, j’ai mesuré à quel point c’était vrai : dans La Passe Miroir, on retrouve notamment le questionnement du roi avec « l’autre ». On a parfois l’impression d’avoir une idée originale alors qu’on est dans le sillage de quelqu’un !
La Passe-Miroir s’inspire aussi d’Alice au Pays des merveilles avec les personnages d’Alice et le miroir, du lapin avec sa montre à gousset, du chapelier fou, de la chenille qui fume … Ces personnages emblématiques trouvent un écho dans mes livres, mais ce n’est pas voulu.
J’ai aussi réalisé en revoyant Fullmetal alchemist que ce manga m’a influencée sans que je m’en rende compte.
C’est un processus très inconscient, et il y a encore beaucoup d’angles morts dans La Passe-Miroir. Pour moi, l’objectif de l’écriture est justement d’apporter un élan inconscient qui rentre dans le champ de conscience. »
Lire l’interview complète ici
L’EXEMPLE DU TRÔNE DE FER
Toujours dans le domaine de l’imaginaire, l’œuvre de Georges R. R. Martin nous prouve à quel point le mélange des inspirations peut s’avérer détonant. L’auteur du Trône de Fer raconte qu’il a eu l’idée de son histoire lors d’un voyage en Écosse :
« La graine a été semée dix ans avant que j’entame l’écriture des livres, pendant ma première visite au Royaume-Uni. Je suis monté en haut du mur d’Hadrien et j’ai regardé vers le nord. (…) C’était vraiment un moment très profond, qui a touché quelque chose dans mon imagination. Il y avait une histoire, là. Bien entendu, concernant le mur d’Hadrien, qu’est-ce qui aurait pu sortir de ces bois sinon un Écossais ? Il fallait que je fasse mieux qu’un Écossais. Forcément, la fantasy voit les choses en grand, alors il fallait rendre le Mur plus imposant. »
D’ailleurs, la fantasy, George R. R. Martin la connaît bien : l’écrivain a plus d’une fois déclaré son admiration pour Tolkien et Le Seigneur des Anneaux.
Mais il a aussi confié être un grand fan de la saga Les Rois Maudits de Maurice Druon. Cette suite romanesque française, qui suit sept générations de souverains, se caractérise par le réalisme de ses personnages et par son ambiance politique truffée de complots. Des éléments qu’on retrouve dans Le Trône de Fer … même si Les Rois Maudits est une saga scrupuleusement historique, sans aucune trace de fantastique.
Vous voyez où je veux en venir ?
C’est probablement au croisement de ce voyage et de ces œuvres qu’il admire (Les Rois Maudits et Le Seigneur des Anneaux) que George R. R. Martin a trouvé l’idée du Trône de Fer, saga fantasy à tonalité politique, et a développé son propre univers … caractérisé par un mur immense.
La bonne idée a émergé de ce savant mélange. Et encore, on ne peut pas dire que son thème de base (de grandes familles se disputant un trône) soit très original. C’est le travail de l’auteur qui a fait sortir sa saga du lot. Notamment la manière dont il a écrit son histoire sous les points de vue de différents personnages, nous permettant d’appréhender le récit de manière très globale, sans manichéisme.
En schématisant, on pourrait dire qu’un roman est un mélange entre l’intériorité de son auteur, ses expériences et ses références, mais aussi l’angle sous lequel il décide d’écrire son histoire.
C’est peut-être ainsi qu’on réussit à trouver une idée vraiment unique et personnelle, qu’elle soit purement originale ou pas !
Je suis d’accord avec vous, c’est une belle manière de voir les choses !
Merci pour votre message 🙂
Comme tu le dis, la plupart des idées (et aussi des émotions) ont déjà été écrites. Ça vaut aussi pour les films et les musiques (surtout que depuis des milliers d’années qu’on écrit de la musique et qu’on raconte des histoires, on a eu le temps de tout dire, déjà). Mais ce qui doit primer, c’est le plaisir, je pense. On s’en fout de savoir si d’autres l’ont déjà fait ou pas.
Voilà c’est ça 🙂 !